vendredi 24 octobre 2014

Mémoire dans le réseau


« Le lupanar tout en haut de la tour. Vue imprenable |by night]. Territoire sans limites de béton, de verre, de métal, de néons, de leds, de caméras, d'individus, seuls, guidés par des voix customisées, au masculin, au féminin, transgenres, asexuées, animaliers, de préférence exotique, ou des artefacts, des reproductions d'animaux anciens en aluminium, par exemple, mais aussi humaines, comme pour nous rappeler l'histoire, pour nous dire d'où nous venons, l'humanité d'avant la grande révolution nanotechnologique, l'humanité d'avant la fin de l'histoire comme le prédisait l'un des grands penseurs de l'époque du nom de Francis Fukuyama, l'un de ceux sans qui l'Ensemble-Total Monde ne serait pas. »


jeudi 23 octobre 2014

Longtemps avant la grande déflagration


Séquence dans le réseau [Vue par plus de 6.000.000 d'individus] <<

Samsung Art Galery – espace sous surveillance.
[Où que vous soyez dans le monde, chez Samsung Art Galery vous êtes en sécurité]

Un
   masque
           protège
                 efficacement
                                            lorsqu'il
                                                         est
                                                              correctement
                                                                                                    ajusté©     




J'ordonne, mentalement, arrachant des yeux le slogan masqué  : « Activez les caméras 1 et 2 ! Lancez les caméras-indics 5 et 9 ! »

A quelques minutes du direct.

Ne pas se planter. Voilà. Répète-moi ça. Faut pas que tu te plantes / Faut pas que tu te plantes / Faut pas que tu te plantes / Faut pas que tu te plantes / / Faut pas que tu te plantes / / Faut pas que tu te plantes / / Faut pas que tu te plantes / / Faut pas que tu te plantes / / Faut pas que tu te plantes /

L'écran sale. Traces de doigts. D'huile. Code d'entrée à 4 chiffres. Mes identifiants. Mon portrait fun pixélisé dans les jardins de la Villa des sponsors, posant à côté de la statut de Milton Friedman.

Il va se passer quelque chose d'important aujourd'hui.

Relecture en speed. Les consignes. Dissiper le doute [face au slogan correctement ajusté sur le mur blanc / cam centrale [on] / vérifier qu'ils seront bien dans l'espace indiqué / les candidats / éclairage / famille mononucléaire / néons / les yeux / bien insister sur les yeux / vérifier le respect des consignes vestimentaires / Tommy Hilfiger n'admettra aucun écart / la marque présentera sa nouvelles collection / chic urbain & casual / édition limitée / vérifier qu'elle portera le collier plastron...]

Elle.
[Nous l'avons spécialement conçu pour vous]

Battements cardiaques. De la sentir. Sa beauté. Sa présence. Sa démarche un peu maladroite. Son cou parfumé au thé vert. Elle pourrait être ma femme dans une autre vie. Cette autre vie. Bien sûr que c'est possible. Je me selfise la gueule de contentement. L'histoire a besoin de mon portrait dans la banque de donnée universelle. Le futur à portée de main. Voilà ce qu'il faut se dire. Le futur à portée de main. Je prie de toutes mes forces tous les dieux de la Terre et de l'au-delà terrestre. Mon cœur bat encore plus vite. Entre flip et extase. Comme à 20 ans. Je suis le conquérant s'apprêtant à cueillir la ville fortifiée. Faut pas que tu te plantes. Voilà. Répète-moi ça encore et encore s'il te plaît. Faut pas que tu te plantes. Il va se passer quelque chose d'important aujourd'hui. Une transformation. Regarde-moi bien. Regarde-moi bien dans les yeux. Mes yeux affamés. Je vais sauter le pas. Tu entends ça. Je vais sauter le pas. Vivre une expérience unique. La vraie. Pas comme celle qu'on vous vend dans le réseau. Non. Non. La vraie celle-là. L'expérience d'une vie. De toute une vie. Unique je vous ai dit.

L'écran indique 57 d'une heure de grande affluence. A trois minutes du grand show, à deux pas de la vie nouvelle. Grand sourire que je refrène violemment. Inutile de le faire savoir. Pas pour le moment.
Les dernières secondes défilent. En rang et à rebours. Lumineuses. Bientôt vous serez au courant. Chez vous.

Écran off.


mardi 11 mars 2014

Séquence dans le réseau (4.0)




Je compte. En mouvement. Dans l’espace quadrillé. Sous surveillance. Je lève la tête. Ciel délavé, tours de verres, insectes bioniques collés aux lampadaires. Je ne sais pas où je vais. Tour d’horizon. Je compte. L’ensemble Total-Monde. Le concept. La touche révolutionnaire. Authentique.

Les stries profondes. Les artères ultra-sombres. Longs couloirs désaffectés. Dans tous les sens. Arrachés. Des grattements. Fils électriques. Des bruits. Des échos, échos. Suintent. Glissent. Un goût de métal dans la bouche. Craquent. Les rails rouillés filent droit devant. Du sang. La poussière. La suie.

Injonction. Prendre les escalators. J’obéis. Qui parle ?

Sur le mur, tu sens des fissures humides s'ouvrir sous tes doigts, les méandres creusés d'une histoire qui se dérobe en permanence. Qui s'efface. Se reprend. Se répercute. Se reconfigure. Je marche.

Ici. Dans ma tête. Je compte. Personne côté face. Bip. 30 secondes pile. Tapis roulant. Le tunnel aérien menant de l’autre côté. Coup d’œil sur la ville logo, intense luminosité ondulatoire. Spot, chiffres. Tout est compté, minuté, à la virgule près, redescendre, comme je suis monté, sans savoir où aller.

Rien n'est fixe. J'avance. Tout bouge dans les tréfonds. Les sédiments troubles au fond de l'eau. La vase. La vase où tu t'enfonces sans rien faire. Sans rien pouvoir faire. Alors je marche. J'erre à la sous face de la Terre, dans l'air vicié des souterrains, là où il n'existe plus de limites entre le jour et la nuit, là où les autres sont des ombres dans le noir, des frottements, des craquements, là où l'herbe ne pousse plus que sur l'acier rouillé. Les ruines perpétuellement reconfigurées. 

Injonction, tourner là, puis là, stop : Ici vous pouvez souffler.

Des panneaux avec des mots sans significations indiquent des directions fantômes. Univers parallèles. Grince. Les reliefs se modifient sans cesse dans l'ombre profonde qui baigne les leds rouge. Vert. Issue de secours. Le tunnel palpite infra-basse, espace sans surveillance. Zone de non-droit sous terre. Au moins pour l'instant.   

 Bouffé d’adrénaline, je compte, minuterie dans ma tête. 72 / 73 / 74 / Bip. Tintinnabulement. Une voix. Non identifiée.

Vous êtes dans un espace neutre.
Rien ne peut vous arriver.

Une voix qui tente de s’extraire, un appel lointain, une voix qui me dit :
 
Tu es assis. Confortablement. Ceintures attachées.
Un autre en face de toi. Griot-sniper dans le labyrinthe mégalocity. L’œil index pointée sur ce message d’avertissement :

Ici : la fiction sous le sceau d’un faux code-barres.
 : l’autre en mouvement collé dans la ville la nuit tombée.
Maintenant : la réalité, le sosie d’un autre qui a fait son temps.

Sommes-nous dans un jeu ?

samedi 25 janvier 2014

Mémoire dans le réseau.




« Vous entrez dans une zone dangereuse. »



 


Les chiffres sur l'écran indiquent ta position exacte,

Le monde sera une copie exacte du monde. 

 N'enlève pas ton masque. 

 Tu avais lancé le processus, le compte à rebours : ton jeu. 

 L'air est irrespirable.